
Suppression d’aide publique au développement :
il faudra que le financement soit privé pour l’économie et public pour l’humanitaire
Compte tenu de la suspension de l’aide américaine (USAID) et de la baisse de subventions de l’UE, l’aide publique au développement (APD) devra recentrer son action sur les missions de santé et d’éducation pour céder au privé, la charge plus complexe du développement économique de pays en demande.
Plus de 50 milliards d’euros de baisse de subventions en Afrique au cours des années à venir
Le président Donald Trump a annoncé le démantèlement de l’USAID peu après son investiture. L’absence des ministres américains Marco Rubio et Scott Bessent, respectivement ministre des Affaires étrangères et secrétaire au Trésor, au G20 en février en Afrique du Sud et au somment qui réunissait 530 banques de développement, semble confirmer le désengagement. Mais le premier contributeur mondial qui a dépensé 63.6 milliards de dollars en 2023 n’est pas le seul pays à vouloir réduire son aide publique au développement. La France, l’Allemagne, la Suède, les Pays bas et la Finlande ont diminué leurs budgets d’ADP et pourraient être rejoints par d’autres pays. L’APD collective de l'UE qui atteignait 95,9 milliards d'euros en 2023, pourrait être amputée de 30 à 40 % au cours de années à venir. En Afrique, la suppression de l’USAID représenterait une perte de 20 milliards de dollars de subventions à laquelle s’ajouterait donc plus de 30 milliards d’euros de baisse d’aide européenne.
Vers la fin d’une époque et d’un modèle qui s’appuyait sur la prospérité occidentale
L’UE déplore une croissance atone de 0.8 % sur l’année 2024. Les 30 glorieuses ont pris fin il y a un ½ siècle et la prospérité occidentale de pays réputés riches n’est plus qu’un souvenir. Les populations d’Europe sont maintenant confrontées à des difficultés croissantes : inflation, coûts de l’énergie et du travail qui impactent l’industrie, chômage, recul des services publics et crise du logement avec des centaines de milliers d’enfants, femmes et hommes sans-abri qui dorment chaque nuit dans les froides rues de capitales européennes. Les gouvernements de pays endettés et surveillés de près par le FMI et les agences de notation mais continuant à vivre au-dessus de leurs moyens, devront faire des choix. Aussi est-il peu probable, face au taux de pauvreté qui augmente et au pouvoir d’achat qui recule, que les pays de l’UE (Union européenne) puissent revenir prochainement au niveau antérieur d’APD.
Il faut du privé pour l’économie et du public pour la solidarité
ONG et agences d’aide publique au développement (APD) souhaitent maintenir le modèle actuel et avancent souvent l’argument selon lequel le secteur privé ne peut remplacer le secteur public. Mais par définition, l’aide publique au développement aurait dû être transitoire. S’ils avaient été bien utilisés, les 1 500 milliards de dollars de subventions versés en 60 ans en Afrique subsaharienne auraient permis d’industrialiser et de moderniser les économies de pays capables ensuite d’organiser eux-mêmes et souverainement leurs sociétés et leurs services publics de santé et d’éducation.
Au regard d’un statut public inapproprié et d’une conception idéologique de l’économie, des agences publiques comme l’agence française de développement (AFD), ne peuvent penser et appliquer des schémas d’industrialisation de nature à générer un important développement de pays pauvres. Leur travail devrait maintenant surtout se limiter à des partenariats dans le domaine agricole pour lutter contre la malnutrition, à l’éducation d’enfants et autres actions sanitaires mais sous la tutelle de Bercy.
Après des dizaines d’années perdues et des sommes colossales gaspillées, il faut séparer les deux missions. Aujourd’hui mal nommée, l’aide publique au développement (APD) deviendrait l’aide publique internationale (API) et l’activité du privé revêtirait progressivement la forme de programmes d’industrialisation régionaux structurés et rigoureux quant à la gestion des capitaux. Le programme pour l’industrialisation de l’Afrique subsaharienne et son fonds initieront ce nouveau paradigme.
La réforme doit être une priorité car l’explosion démographique en cours favorise la malnutrition et des conflits au milieu d’une population subsaharienne qui comptera 90 % de l’extrême-pauvreté mondiale en 2030 et 2 milliards d’habitants en 2050. Sans développement significatif au cours des 20 prochaines années, on pourrait craindre un chaos humanitaire qui bouleverserait le monde.
Consultant et entrepreneur, Francis Journot est le fondateur du projet États-Unis d’Afrique subsaharienne et du Programme pour l’industrialisation de l’Afrique subsaharienne ou Africa Atlantic Axis. Il est aussi l’initiateur d'International Convention for a Global Minimum Wage et tient le site Collectivité Nationale
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