
Le piège de la dette se referme progressivement sur l’Afrique subsaharienne
L'initiative du FMI à l’égard des pays pauvres très endettés (PPTE) a effacé la dette des 40 pays d’Afrique subsaharienne concernés. Dès lors la Chine qui ne détenait que 3 % de la dette bilatérale de l’Afrique subsaharienne, s’est engouffrée dans la brèche.

Avec 62,1 % en 2020 et davantage aujourd’hui, La Chine est désormais le premier créancier de la région. Bien que n’ignorant guère que les engagements financiers ne pourront à terme être guère honorés si les pays subsahariens ne se développent pas significativement, la Chine multiplient néanmoins les partenariats publics privés (PPP), prêts ou autres accords contractuels.

Un article de la BBC indiquait en septembre 2024: « Les prêts accordés par la Chine aux pays africains et ses investissements en Afrique ont récemment connu un ralentissement. Cela s'explique par le fait que de nombreux États africains ont eu des difficultés à rembourser leurs prêts pour les infrastructures construites par la Chine dans leurs pays. Aujourd'hui, de nombreux pays africains ont constaté que ces projets ne leur rapportaient pas suffisamment pour rembourser les prêts. ». Par ailleurs, la Chine ne se contente plus de proposer aux pays africains de grands projets d'infrastructure tels que des routes, des chemins de fer et des ports, mais leur fournit des produits de haute technologie tels que des réseaux de télécommunications 4G et 5G, des satellites spatiaux, des panneaux solaires et des véhicules électriques (VE). « La Chine a été accusée de vendre à bas prix des véhicules électriques sur le marché africain », « C'est un moyen pour la Chine d'exporter ses nouvelles technologies vertes de pointe. »
« La Chine qualifie ses investissements en Afrique de gagnant-gagnant mais les projets de construction réalisés par la Chine en Afrique n'ont apporté que très peu d'avantages à la population locale, affirme le professeur Tsang, ce qui a suscité du ressentiment. Les entreprises chinoises font surtout venir leurs propres travailleurs et n'offrent pas beaucoup d'emplois locaux ». On a également l'impression qu'elles emploient des travailleurs locaux dans des conditions de travail pénibles. ».

La Chine se garde bien de favoriser une industrialisation africaine qui compromettrait l’importation de ses produits et on peut penser que celle-ci table sur des défauts de paiements de nombreux pays qui lui permettront ainsi en échange de faire main basse sur les richesses subsahariennes et certaines infrastructures pour lesquelles elle pourra alors librement fixer le prix de l’utilisation dont celui de l’énergie.
A l’issue du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) qui s’est tenu à Pékin en septembre 2024, l’Institut IRIS dénonçait un partenariat asymétrique : « 50 milliards de dollars ont été promis par Pékin pour les trois ans à venir dont 29 milliards de prêts, 11 milliards d’aide et 10 milliards d’investissements mais il faut analyser ces chiffres avec une grande précaution, De nouveaux projets d’investissements concernent l’énergie solaire (panneaux solaires, batteries) privilégiant ainsi la transition énergétique et une plus grande autonomie du continent. Mais ces projets qui peuvent être jugés déséquilibrés en termes d’impact car ces produits construits en Chine, ne permettront pas de réduire le déficit commercial africain ni d’engager des transferts de technologies ou de compétences. Certains dirigeants africains à l’instar du président sud-africain Cyril Ramaphosa ont appelé à une évolution de la structure des échanges réclamant des investissements générateurs d’emplois. La Chine considère l’Afrique comme une source majeure d’approvisionnement en minerais, combustibles et produits agricoles ainsi qu’un débouché pour ses produits transformés à bas coûts. L’acquisition des terres est un objectif pour Pékin, bien qu’il s’agisse d’un accaparement selon certains. ».

Selon l’agence Ecofin « La Chine a augmenté ses approvisionnements en produits agricoles, tels que les avocats, les graines de soja, les ananas, les piments, les noix de cajou, les graines de sésame et les épices, en Afrique mais les exportations chinoises vers l'Afrique sont essentiellement composées de produits finis (textile-habillement, machines, électronique, etc.), tandis que les importations africaines vers l’empire du Milieu sont dominées par les matières premières comme le pétrole brut, le cuivre, le cobalt et le minerai de fer d'où un excédent commercial chronique en faveur de la Chine. »

Une dette insoutenable
Dans le journal Le Monde du 5 juin 2025, le gouvernement Sud-Africain estimait que plus de la moitié du 1,3 milliard de personnes vivant en Afrique se trouvent dans des pays qui dépensent plus d’argent pour rembourser les intérêts de leur dette que pour des questions sociales telles que la santé, l’éducation et les infrastructures. Cette année, les pays africains devraient payer près de 89 milliards de dollars (environ 78 milliards d’euros) en service de la dette, alors que 20 pays à faible revenu sont dans une situation de surendettement. A cela s’ajoutent l’arrêt de l’aide humanitaire américaine ainsi que la pression exercée sur les pays membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord pour qu’ils dépensent davantage pour leur défense et soient donc tentés de couper dans leur budget destiné à l’assistance. « L’impact sur le continent africain va être très sévère », prédit Trevor Manuel.
Francis journot est consultant, entrepreneur et fait de la recherche économique. Il est le fondateur du projet États-Unis d’Afrique subsaharienne et du Programme pour l’industrialisation de l’Afrique subsaharienne ou Africa Atlantic Axis. Il est aussi l’initiateur de l'International Convention for a Global Minimum Wage